Du Delica au pixel

16 h 56 Gome 0 Comments


Tel que mentionné pendant la présentation de ma carte, cette dernière était principalement inspirée par la grande variété de briques en façade des maisons ainsi que les différentes textures de neige qui se trouvaient sur notre trajet ; un mélange entre la structure de l’humain et la liberté de la nature (très cliché, j’en conviens hihi). L’enfilage des perles était réalisé grâce à la technique de tissage sur métier, où la rocaille se travaille par organisation de points colorés, comparable à un pixel dans une image numérique. Aussi, ce projet transpose une influence d’un texte que j’ai eu à analyser dans le cadre du cours et je voulais me tenter au jeu : « ce qui apparaît aujourd'hui, lorsqu’on observe la production artistique, c’est que de nouveaux types de contrats semblent se constituer entre culture et précarité, entre durée physique de l’œuvre d’art et sa durée en tant qu’information1 .» Le passage d’un matériel physique au numérique semblait donc être le lien vers lequel me concentrer. J’ai donc passé plusieurs heures à filmer les 6 pouces de longueur qui forment ma carte : « Insistance, répétition, redondance : tels sont les processus de transformations à l’œuvre. L’objet - pictural, électronique, informatique - est alors considéré comme pur matériau. Lumineux, coloré, faisant certes parfois figure, mais s’adressant à la représentation sur le mode essentiel du grain, du pixel, de la neige de l’écran vidéo2. » J’ai tenté de recréer des passages dégageant un mystère, comme pour capter l’attention en douceur, mais qui au final ne fait qu’emballer le cœur à la vue d’un simple jeu de lumière sortant de la noirceur.


Je voulais créer un moment de bien être qui pouvait autant devenir quelques secondes qu’une éternité, d’où l’intérêt du gif comme médium. De cette façon, l’observateur est libre de s’arrêter lorsqu’il se sent visuellement satisfait de l’image bougeant en boucle. Je voulais donner la sensation « d'une matière incohérente et grouillante peut tout à coup s’organiser en un puissant réseau formel. La saisie de la matière découle, dans tous les cas, d’un rapport de proximité : contact adhérent, vision proche. L’appréhension de la forme s’avère, tout au contraire, dépendante d’un effet de recul ou de distanciation3. » Aussi, je voulais jouer avec les différentes relations de temps à mettre en scène. Ainsi, certains gifs font un éternel recommencement, d’autres reviennent à leur point de départ comme un boomerang ou encore ne défilent pas à leur vitesse en temps réel.


De plus, j’ai un attachement particulier à ce qui a trait à la lenteur d’un processus, à l’accumulation d’heures passées sur un unique projet et à la durabilité des matériaux, tel qu’on peut observer plus souvent sur les œuvres du passé (bien que je généralise évidemment). Mon travail est d’ailleurs souvent construit lentement, millimètre par millimètre, bille par bille, avec de petits gestes répétés, et ce, avec de la matière sélectionnée pour leurs qualités de pérennité. J’affectionne les projets qu’en les regardant, on peut également s’imaginer les nombreuses heures que l’artiste s’est affairé à le faire exister. Toutefois, je suis consciente que ce n’est pas la sensibilité de tous à s’attarder aux détails des travaux d’aiguille, d’éléments miniatures, de techniques artisanales. Voilà les raisons pour lesquelles je me disais, peut- être alors est-il nécessaire de le faire transformer radicalement ? en quelque chose de plus abstrait ? en quelque chose de grande dimension ? Qu’en serait-il d’un effet lumineux par exemple ? Que ce soit de manière consciente ou non, tout le monde est sensible à la lumière.


Projet réalisé dans le cadre du cours 
Atelier II - Méthode : temps et action/contexte 
Session d'hiver 2018



1 Nicolas Bourriaud, Radicant (Deuxième partie : Précarité esthétique et formes errantes), Denoël, 2009,p.100
2 Florence de Mèredieu, Histoire matérielle et immatérielle de l'art moderne, Larousse, 2004, p. 339-340
3 Ibid., p. 338

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