Du Delica au pixel
Tel que
mentionné pendant la présentation de ma carte, cette dernière était principalement
inspirée par la grande variété de briques en façade des maisons ainsi que les
différentes textures de neige qui se trouvaient sur notre trajet ; un mélange entre
la structure de l’humain et la liberté de la nature (très cliché, j’en
conviens hihi). L’enfilage des perles était réalisé grâce à la technique de tissage
sur métier, où la rocaille se travaille par organisation de points colorés, comparable
à un pixel dans une image numérique. Aussi, ce projet transpose une influence
d’un texte que j’ai eu à analyser dans le cadre du cours et je voulais me
tenter au jeu : « ce qui apparaît aujourd'hui, lorsqu’on observe la production artistique,
c’est que de nouveaux types de contrats semblent se constituer entre culture et
précarité, entre durée physique de l’œuvre d’art et sa durée en tant
qu’information1 .» Le
passage d’un matériel physique au numérique semblait donc être le lien vers lequel
me concentrer. J’ai donc passé plusieurs heures à filmer les 6 pouces de longueur
qui forment ma carte : « Insistance, répétition, redondance : tels sont les processus
de transformations à l’œuvre. L’objet - pictural, électronique, informatique - est
alors considéré comme pur matériau. Lumineux, coloré, faisant certes parfois
figure, mais s’adressant à la représentation sur le mode essentiel du grain, du
pixel, de la neige de l’écran vidéo2. » J’ai
tenté de recréer des passages dégageant un mystère, comme pour capter l’attention
en douceur, mais qui au final ne fait qu’emballer le cœur à la vue d’un simple
jeu de lumière sortant de la noirceur.
Je voulais
créer un moment de bien être qui pouvait autant devenir quelques secondes
qu’une éternité, d’où l’intérêt du gif comme médium. De cette façon, l’observateur
est libre de s’arrêter lorsqu’il se sent visuellement satisfait de l’image
bougeant en boucle. Je voulais donner la sensation « d'une matière incohérente
et grouillante peut tout à coup s’organiser en un puissant réseau formel. La
saisie de la matière découle, dans tous les cas, d’un rapport de proximité :
contact adhérent, vision proche. L’appréhension de la forme s’avère, tout au
contraire, dépendante d’un effet de recul ou de distanciation3. »
Aussi, je voulais jouer avec les différentes relations de temps à mettre en
scène. Ainsi, certains gifs font un éternel
recommencement, d’autres reviennent à leur point de départ comme un boomerang
ou encore ne défilent pas à leur vitesse en temps réel.
De plus, j’ai
un attachement particulier à ce qui a trait à la lenteur d’un processus, à l’accumulation
d’heures passées sur un unique projet et à la durabilité des matériaux, tel
qu’on peut observer plus souvent sur les œuvres du passé (bien que je généralise
évidemment). Mon travail est d’ailleurs souvent construit lentement, millimètre
par millimètre, bille par bille, avec de petits gestes répétés, et ce, avec de
la matière sélectionnée pour leurs qualités de pérennité. J’affectionne les
projets qu’en les regardant, on peut également s’imaginer les nombreuses heures
que l’artiste s’est affairé à le faire exister. Toutefois, je suis consciente
que ce n’est pas la sensibilité de tous à s’attarder aux détails des travaux
d’aiguille, d’éléments miniatures, de techniques artisanales. Voilà les raisons
pour lesquelles je me disais, peut- être alors est-il nécessaire de le faire
transformer radicalement ? en quelque chose de plus abstrait ? en quelque
chose de grande dimension ? Qu’en serait-il d’un effet lumineux par exemple ?
Que ce soit de manière consciente ou non, tout le monde est sensible à la lumière.
Projet réalisé dans le cadre du cours
Atelier II - Méthode : temps et action/contexte
Session d'hiver 2018
1 Nicolas
Bourriaud, Radicant (Deuxième partie :
Précarité esthétique et formes errantes), Denoël, 2009,p.100
2 Florence
de Mèredieu, Histoire matérielle et
immatérielle de l'art moderne, Larousse, 2004, p. 339-340
3 Ibid., p. 338
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